Night bus seat 38
Elles sont au nombre de 39, entre « pas trop mal » et ingénieusement agencées dans ce volume rectangulaire étroit et étiré de 3mètres de haut par 12 mètres de long.
La « 38 » est à l’arrière, à l’étage supérieur. C’est la quatrième couchette d’une rangée de cinq.
Devant moi le couloir déjà étriqué à l’origine est à présent rendu quasi impraticable depuis qu’il s’est vu encombré de sac à dos North Face « made in Vietnam » ou de vrais conteneurs plastique d’effets personnels, jetés au milieu de l’allée par mes voisins d’une nuit en quête de quelques précieux centimètres carrés d’espace à dormir…
Les lucioles bleues du plafonnier localisent chacun de mes pairs du voyage, chacun ayant sa propre technique pour sauver quelques heures de sommeil.
Il y a la classique couverture tirée au-dessus de la tête, la zone de confort pour la respiration étant mesurée par la capacité à maintenir une extrémité calée entre les pieds, l’autre étant passée par dessus la tête en gardant une tension dans le tissus pour l’empêcher de s’affaisser sur le visage de la marmotte en devenir …
Le peu de lumière de la cabine aidant, cet abri improvisé laisse penser à un sarcophage égyptien ou à un cocon 3 étoiles pour son habitant…
Il y a le sweatshirt à capuchon dont le cordon tiré referme l’ouverture au minimum à hauteur du nez, pour les adeptes du monde de South Park, Kenny n’est pas loin…Variante du même style : le sweatshirt inversé l’arrière étant porté à l’avant, le dos du capuchon servant de pare-feu aux lumières du dehors.
Le bras déposé avec soin sur les yeux et le classique masque duvet restent néanmoins les leaders incontestés du voyageur longue distance…
La science du confort semblant faire de plus en plus d’ardus chercheurs à mesure que s’écoulent les kilomètres…et les quelques ronflements qui complètent ce tableau démontrent que certains ont beaucoup de bouteille en la matière … à moins qu’une bouteille nettement moins imagée celle-là ait été vidée juste avant le départ…
Dehors, le paysage défile, enfin « défile » rend une expression de vitesse que ne mérite nullement notre allure paresseuse que les routes Vietnamienne autorisent, ces voies que les amortisseurs de notre bus ont appris à détester pour le travail incessant qu’elles leurs imposent…
La route est droite devant nous, je le vois au travers du pare-brise sur lequel ma position offre une vue directe… pourtant, les rotations brusques du volant sont aussi nombreuses que les pressions sur les freins, mais restent sensiblement loin derrière le nombre de coups de klaxon…Quelques appels de phare parfois prennent le relais, laissant se reposer un instant celui qui est au conducteur vietnamien ce que le chien est à l’homme : son meilleur ami…
Les bruits du dehors ne sont qu’une variation sur un même thème : celui des puissants trucks américains que l’on dépasse…
De la route 66 à la route Mandarine, il n’y a qu’un pas, et ces monstres n’en font qu’une bouchée…
Les bruits du dedans sont intenses, pour qui y porte un peu d’attention… les canettes qui s’ouvrent, à contre cœur parfois, tout liquide qu’absorbe le corps humain devant obligatoirement ressortir un jour, dans le meilleur des cas le lendemain, pour certains dans les heures qui suivent… le dilemme se fait sentir, la gorge sèche toute la nuit par l’air conditionné contre des abdominaux contractés au matin dans l’attente des 2 lettres libératoires magiques.
Le bruit d’un capuchon qui saute montre que pour certains, la fin du voyage sera une dure lutte dans la région du bas-ventre…
Trois siège devant moi, le tic-tic constant et énervé témoigne que Mario est sur le point de gagner sa course contre Luigi, ou que le guerrier du Moyen-Age, avatar du voyageur du siège 25 n’a plus que quelques secondes à vivre dans son monde virtuel…Nous avons un gamer à bord.
Le petit baladeur à la Pomme a aussi son mot à dire dans la balance des sons qui m’entourent… Il distille quelques aigues de part et d’autre de la tête du dormeur en sursit de la couchette à mes pieds…Shuffle ou album entier, les aigus sont un trop maigre indice…
Un passage de péage et les reflets orangés des lampes du dehors reprennent progressivement leur saute-mouton sur les vitres latérales… les compter m’emmènera peut-être dans les bras de Morphée…le jeu en vaut la chandelle, nous avons quitté notre port d’attache depuis 2 heures seulement, il en reste encore 8…si tout va bien…
Bonne nuit…
Laisser un commentaire